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Mon travail protéiforme fonctionne par séries et déploie pour chacune d’entre elles son langage propre, ses jeux formels et conceptuels inédits toujours sous-tendus de près ou de loin par l’idée d’un récit.

 

Refusant de se plier au jeu d’un seul sujet ou d’un seul médium, il m’entraîne toujours sur de nouveaux terrains d’exploration dans une sorte de voyage permanent avec comme bagages mes obsessions pour les questions de frontière et de porosité entre réel et fiction, du statut et de la temporalité de l’image, du cerveau et de la mémoire.

Ces séries sont le résultat d’un travail contemplatif sur les constructions humaines et les signes qu’elles produisent.

Elles sont des représentations plus ou moins réalistes et assez désuètes de ces formes qui nous sont familières et que j’agence à la façon de snapshots issus du long plan séquence de la vie.

 

Aires d’autoroute, boitiers électriques, zones commerciales et industrielles, cônes de signalisation, ronds points, portails électriques, city stades et aires de jeux, cheminées industrielles et tables de picnic comme autant d’instantanés, de fragments d’un décors de théâtre ou de cinéma de science fiction, vanités modernes paradoxalement fragiles et comme suspendues avant leur extinction, leur disparition prochaine.

 

Elles sont comme les indices d’une existence passée futile et la promesse d’un devenir obsolète pour tout objet concret et par extension le miroir de la fugacité des sociétés humaines.

Pour ce clip de Schnautzi j'ai voulu retranscrire une sensation de mon enfance.

Lorsque ma mère nous emmenait sur de longs trajets, elle nous disait que conduire la nuit revenait à piloter un vaisseau spatial, qu'il suffisait de viser entre les lumières.

Je fermais alors à demi les yeux, pour troubler ma vision, et flottais alors dans l'espace intersidéral.

Quand par bonheur il pleuvait et que les gouttes sur le pare-brise diffractaient la lumière comme des milliers de prismes, le voyage était vraiment complet.

 

L'intention ici était aussi de correspondre à l'atmosphère planante du morceau (Autostrada)  et à la contrainte d'un clip assez long, en proposant au spectateur une expérience immersive, une plongée dans les impressions du conducteur, happé par la route, hypnotisé, transporté dans un autre monde. 

Au péage, amnésiques, on est pris d'une stupeur. Comme celle que l'on ressent occasionnellement, avec un sursaut, à l'endormissement .

Sur la route, on arrive parfois à destination sans bien savoir par où on est passé.

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